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La politique risquée de la Banque du Canada

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Le Financial Post a publié ce matin mon article sur la politique monétaire risquée de la Banque du Canada, telle qu’expliquée par son gouverneur Mark Carney dans un discours donné plus tôt cette semaine. En voici une version traduite.

Carney s’engage à continuer à mettre de l’huile sur le feu
Maxime Bernier, député de Beauce

La Banque du Canada est dans une position embarrassante. Dans un discours donné à Toronto lundi dernier, son gouverneur, Mark Carney, a reconnu qu’il poursuivait une stratégie extrêmement risquée qui pourrait mener à des déséquilibres financiers et économiques encore plus importants que ceux des trois dernières années. Toutefois, a-t-il admis implicitement, la Banque n’a pas le choix de continuer de jeter de l’huile sur le feu tout en exhortant tout le monde à rester le plus loin possible des flammes.

Après avoir brièvement expliqué pourquoi les taux d’intérêt resteront sans doute très bas pour une période prolongée, M. Carney a consacré les deux tiers de son discours à élaborer en détail comment le crédit facile « pourrait éventuellement fausser le comportement des secteurs public et financier ainsi que des secteurs des entreprises et des ménages » .

Dans certains pays, a-t-il dit dans le jargon habituel impénétrable des banquiers centraux, de bas taux d’intérêt pourraient créer « une flexibilité sur le plan budgétaire à court terme » – c’est-à-dire qu’il devient plus facile pour les gouvernements d’emprunter des milliards de dollars pour venir à la rescousse de tout le monde – mais cela les expose à des temps difficiles lorsque les taux augmenteront ou si les marchés changent subitement d’opinion.

La conviction que les taux d’intérêt vont demeurer bas a aussi vraisemblablement pour effet d’induire des habitudes de prêts plus risquées chez les banques, ce qui a été un facteur central de la débâcle financière chez nos voisins du sud.

M. Carney a aussi lancé une mise en garde concernant l’émergence de firmes « zombies » . Il s’agit d’entreprises en faillite qui se maintiennent en vie parce que le crédit facile permet aux banques de reconduire des emprunts que ces firmes sont incapables de rembourser, ce qui repousse à plus tard la restructuration nécessaire et entraîne un gaspillage de ressources.

Enfin, l’argument qui a reçu le plus d’attention médiatique est qu’à cause des bas taux d’intérêt, « la proportion de ménages qui ont alourdi leur bilan a augmenté de façon considérable » . Les données de la Banque montrent que le crédit continue de croître plus rapidement que les revenus. Les ménages canadiens sont en train de devenir encore plus endettés que ceux des États-Unis, et nous pourrions faire l’expérience de défauts de paiement à grande échelle sur les hypothèques et les cartes de crédit si un autre choc devait survenir.

Les économistes conventionnels de la Banque ont finalement accepté la leçon de l’école d’économie autrichienne selon laquelle le crédit facile n’apporte aucune croissance à long terme et ne fait que créer des déséquilibres qui devront éventuellement être éliminés. Selon le point de vue autrichien, les politiques de crédit facile dans les années 1990 et 2000 ont alimenté les booms des nouvelles technologies et de l’immobilier aux États-Unis et ailleurs, ce qui a mené à d’inévitables krachs.

Pourquoi alors poursuit-on toujours les mêmes politiques ? La Banque a uniquement relevé son taux de financement à un jour de 0,25 % à 1 %, ce qui reste un niveau historiquement bas. Si elle n’augmente pas davantage les taux d’intérêt pour prévenir l’émergence de tous ces problèmes, c’est parce qu’elle est légalement tenue par un accord avec le ministère des Finances de maintenir le taux d’inflation autour de 2 %.

Une augmentation des taux d’intérêt forcerait les entreprises et les ménages à réduire leurs emprunts et à moins dépenser, et aurait probablement pour effet de ralentir la croissance économique à court terme. Dans un contexte où les États-Unis, l’Europe et d’autres régions du monde poursuivent des politiques keynésiennes et impriment de la monnaie à une vitesse folle, cela renforcerait aussi le dollar canadien, diminuerait le prix de nos importations et affaiblirait nos industries exportatrices.

Même si elle implique un certain prix à payer à court terme, une telle politique pourrait bien être la seule façon d’empêcher la formation d’autres bulles et de protéger le Canada contre les politiques inflationnistes dangereuses de ses partenaires commerciaux. Mais voilà où ça bloque : cela aurait pour effet de réduire le taux d’inflation. Cette option est donc exclue pour la Banque.

À la place, M. Carney nous offre trois « lignes de défense » qui sont clairement des aveux d’impuissance. Tout d’abord, il conseille à tout le monde de « résister à l’excès de confiance et réévaluer constamment les risques » et cela même si, comme il l’explique dans son discours, les gens seront peu enclins à suivre ce conseil s’ils ont de fortes incitations à faire le contraire.

La seconde ligne de défense « consiste en un renforcement de la supervision des activités comportant des risques ». C’est bien beau, mais suis-je le seul à ne pas considérer comme tout à fait optimale une situation où c’est celui qui est à la source du risque qui supervise les effets de sa politique risquée ? Troisièmement, la Banque pourra imposer des « réserves de fonds propres contracycliques » pour contrer la création excessive de crédit – c’est-à-dire qu’elle pourra faire volte-face et modifier sa politique délibérée de création excessive de crédit si elle perd le contrôle de celle-ci.

Les contradictions contenues dans le discours de M. Carney sont tout simplement stupéfiantes. Mais elles découlent toutes de l’obligation qu’a la Banque de soutenir artificiellement l’économie de telle manière que les prix augmentent de 2 % par année, quelles que soient les conséquences à plus long terme.

Il y a quelques mois, j’ai suggéré que la cible d’inflation de la Banque soit réduite à 0 % lorsqu’elle sera revue l’an prochain. Dans la situation actuelle, une telle mesure donnerait une plus grande marge de manoeuvre pour augmenter les taux d’intérêt et diminuer les nombreux risques contre lesquels M. Carney nous met en garde. Cela aurait pour effet de préserver plus clairement notre pouvoir d’achat et d’amoindrir les distorsions que l’inflation engendre dans toute l’économie. Cela préviendrait également les cycles de booms et récessions que nous avons récemment traversés ces dernières années.

Nous aurions intérêt à tenir un véritable débat sur toutes ces questions, au lieu de simplement accepter une politique avec les défauts évidents que M. Carney nous a dévoilés.


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